Par Eroticam x
Lundi 29 janvier 1 29 /01 /Jan 07:47

Dans toutes les sociétés, la pauvreté, la discrimination, l'ignorance et l'agitation sociale sont fréquemment des indices de la violence à l'égard des femmes.

Pourtant, les ennemis les plus tenaces de la dignité et de la sécurité des femmes sont les forces culturelles visant à préserver la domination masculine et la soumission féminine - souvent défendues au nom d'une vénérable tradition.

Dans des sociétés industrialisées comme celle des Etats-Unis, où les institutions réprouvent officiellement la violence antiféminine, les comportements démentent les déclarations publiques: la musique rap traite les femmes de «putains»; un magazine populaire pour hommes célèbre le viol collectif et représente des corps de femme passés à la moulinette; des femmes voulant s'engager dans les forces armées sont en butte au harcèlement sexuel; et les pressions sociales amènent des jeunes femmes à suivre des régimes de famine ou à recourir à la technologie pour se créer un corps «idéal», détruisant souvent leur santé par la même occasion.

Dans les pays en développement, les actes de violence contre les femmes sont souvent considérés comme faisant partie du tissu culturel, et soutenus à ce titre. On estime par exemple dans de nombreux pays que battre sa femme fait partie de l'ordre naturel - une prérogative masculine célébrée dans les chansons, les proverbes et les cérémonies de mariage. A l'extrême, la violence antiféminine s'exprime dans les crimes «d'honneur», la mutilation sexuelle féminine et les assassinats pour raison de dot, ainsi que dans une préférence pour les garçons profondément enracinée et même meurtrière pour les filles.

Devant les juridictions pénales, «l'honneur» est une méthode de défense institutionnalisée dans certains pays du Moyen-Orient et d'Amérique latine, permettant aux pères ou aux maris d'être acquittés des meurtres qu'ils ont commis. Dans 12 pays d'Amérique latine, un violeur peut être relaxé s'il propose d'épouser la victime et si celle-ci accepte. Dans un pays, le Costa Rica, il peut être absous même si elle refuse son offre. Les parents de la victime font fréquemment pression sur la jeune fille pour qu'elle épouse son violeur, ce qui, à leurs yeux, restaure l'honneur de la famille.

Le concept d'honneur masculin, et la peur du pouvoir féminin, sont également sous-jacents dans la pratique de la mutilation sexuelle féminine. Cette opération atroce consiste dans l'ablation partielle ou totale des organes génitaux externes d'une fillette et provoque chez certaines femmes des problèmes de santé permanents. Son objectif est de garantir la chasteté féminine et d'assurer les perspectives de mariage; elle y parvient aux dépens du plaisir sexuel de la femme et de son intégrité physique. Jusqu'à 130 millions de femmes et de fillettes vivant aujourd'hui dans au moins 28 pays, pour la plupart en Afrique, ont subi à des degrés divers l'excision de leurs organes génitaux.

Les défenseurs de ce rite, qui comptent beaucoup de femmes dans leurs rangs, estiment que la mutilation sexuelle féminine est une pratique culturelle traditionnelle qui ne regarde pas les étrangers. Cet argument n'est pas nouveau. Tout au long de l'histoire, trop souvent «la culture» a été invoquée pour justifier des pratiques ignobles allant de l'esclavage au bandage des pieds des femmes. La mutilation sexuelle féminine doit être éliminée parce que c'est une grave violation des droits de la personne et une menace sur la santé publique qui dépasse toutes les frontières culturelles.

Ce sont aussi des traditions qui perpétuent la pratique des assassinats liés à la dot, dans lesquels une jeune épouse est tuée parce qu'elle est incapable de verser la dot exigée par sa belle-famille. En Inde, plus d'une douzaine de femmes meurent chaque jour par suite de différends de ce genre, essentiellement dans des incendies de cuisine destinés à passer pour des accidents.

 


Dans 12 pays d'Amérique latine, un violeur peut être relaxé si sa victime accepte de l'épouser.

La préférence pour les garçons est une autre force antiféminine insidieuse, particulièrement en Asie. Les tests génétiques permettant une sélection selon le sexe, bien qu'ils soient officiellement interdits, sont devenus un commerce florissant en Chine, en Inde et en République de Corée. Il semble également, d'après diverses indications, que certaines communautés en Asie pratiquent l'infanticide proprement dit, généralement sur des filles nouveau-nées, tandis que dans diverses régions, la discrimination opérée dans les soins de santé écourte aussi la vie des petites filles non désirées.

Dans les pays où les gens disposent de soins de santé adéquats et d'une alimentation suffisante, il naît en moyenne 105 garçons pour 100 filles, mais il meurt plus de garçons que de filles avant l'âge d'un an, ce qui traduit l'avantage biologique inhérent des femmes. Dans certains pays, en Asie surtout, l'on compte nettement plus d'hommes que de femmes. Au total, les pratiques discriminatoires violentes dirigées contre les filles et les femmes ont fait disparaître 60 millions de personnes de sexe féminin. Pourtant, au lieu de soulever l'opinion internationale, la tragédie des «femmes disparues» ne fait habituellement l'objet que d'une brève mention dans le chapitre Femmes des rapports sur le développement.

A mesure que la guerre devient moins une bataille entre pays qu'une lutte pour la suprématie entre groupes ethniques, les femmes et les jeunes filles sont de plus en plus exposées aux viols et aux grossesses forcées. On sait que bien plus de 20 000 femmes musulmanes ont été violées en Bosnie-Herzégovine pendant la guerre des Balkans, et plus de 15 000 femmes violées en un an au Rwanda. Ces dernières années, on a aussi signalé l'utilisation du viol massif comme arme de guerre au Cambodge, au Libéria, en Ouganda, au Pérou et en Somalie.

Ce ne sont là que quelques-uns des moyens par lesquels la société exprime qu'à ses yeux la vie d'une femme et sa dignité - ses droits humains - valent moins que celles d'un homme. Depuis le jour de leur naissance, on dénigre et dégrade les filles, prises au piège de ce que le regretté directeur général de l'UNICEF, James P. Grant, appelait de manière poignante «l'apartheid sexuel». Bien après que l'esclavage a été aboli dans la plus grande partie du monde, de nombreuses sociétés traitent encore les femmes comme des êtres asservis: leurs chaînes sont le manque d'instruction, la dépendance économique, le pouvoir politique limité, l'accès restreint à la maîtrise de la fécondité, les conventions sociales rigoureuses et l'inégalité aux yeux de la loi. La violence est un instrument essentiel pour les maintenir dans ces chaînes.

Changer le statu quo

L'oppression violente des femmes et des filles n'est pas immuable. C'est un mécanisme de pouvoir, comme l'était l'apartheid, et il peut être modifié. Mais parce qu'il a été si profondément enraciné, pendant si longtemps, dans presque toutes les cultures de la planète, l'effort requis pour démanteler les structures sociales qui le tolèrent, ou qui se refusent manifestement même à le voir, exigera de l'imagination, de la patience et une action menée sur plusieurs fronts.

Faire cesser la violence antiféminine ne se limite pas à sanctionner des actes individuels. Il s'agit de modifier l'idée - si profondément implantée qu'elle en est souvent inconsciente - que fondamentalement les femmes n'ont pas autant de valeur que les hommes. C'est seulement lorsque les femmes et les filles auront leur place dans la société en qualité de membres forts et égaux que la violence à leur égard apparaîtra comme une aberration choquante plutôt que comme une norme invisible.

L'ancien adage qui affirme que le plus long voyage commence toujours par un premier pas est tout à fait approprié ici. Nombre de gens dans le monde entier ont commencé à faire de petits pas vers la reconnaissance des jeunes filles et des femmes comme citoyennes à part entière dans une société équitable. Ce sont le mari et la femme qui refusent de soumettre leur fille à une mutilation sexuelle, le juge qui condamne un violeur à la peine maximale et les parlementaires qui réforment la législation de leur pays conformément aux droits humains des femmes et des jeunes filles.

A l'échelle mondiale, ce premier pas doit être la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant (ratifiée par 191 pays à la date de juin 1997) et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (ratifiée par 160 pays). Bien que la ratification des traités ne modifie pas comme par magie les croyances et les pratiques, elle constitue un premier pas vital parce qu'elle jette les fondements d'une réforme sociale et juridique continue.

La Convention relative aux droits de l'enfant est fondamentale en raison des grandes similitudes entre les droits de la femme et de l'enfant. La violence sexiste devient une caractéristique de la vie des petites filles bien avant l'âge adulte, que ce soit à la maison ou dans un cadre social plus large de maltraitance. La Convention oblige les Etats parties à prendre toutes les mesures appropriées pour protéger l'enfant contre «toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales». Des dispositions précises visent les pratiques traditionnelles nuisibles, la violence sexuelle et la traite d'enfants.

Maintenant qu'elle a été ratifiée par tous les pays du monde sauf deux, des actions sont en cours dans de nombreux Etats pour faire de la Convention une force réelle dans la vie des enfants. Ainsi, la moitié environ des Etats d'Amérique latine sont en train de réformer leur système de justice pour mineurs; d'autres pays, dont les Philippines, ont renforcé la législation protégeant les enfants de l'exploitation sexuelle.

Des efforts similaires sont déployés pour donner corps à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Au Botswana et au Zimbabwe, des juges ont employé cet instrument pour prévenir la discrimination à l'égard des femmes dans les lois sur la citoyenneté. Le Brésil a rédigé une nouvelle Constitution reflétant les objectifs de la Convention et la République-Unie de Tanzanie a réformé une loi coutumière discriminatoire relative aux terres des clans. Plusieurs pays d'Amérique latine et la Suède ont nommé des médiatrices chargées de traiter les problèmes des femmes. Au moins six pays ont créé des postes de police réservés aux femmes, et le Mexique a désigné un procureur spécial pour les délits d'ordre sexuel. Le Cameroun et la Chine ont récemment ouvert leurs premiers foyers pour les victimes de la violence familiale. Ces institutions protègent les femmes, mais rappellent aussi constamment à tous les membres de la société que les droits des femmes sont une question qui concerne l'Etat.

Ce sont là des mesures importantes tant pour les droits de la femme en général que pour arrêter la violence en particulier - mais jusqu'à présent trop peu de mesures ont été prises, dans trop peu de pays. La majorité des Etats qui ont ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes n'en ont pas encore incorporé les principes dans leur législation et leurs prati-ques nationales. Cette Convention se heurte à une âpre résistance, comme le montre le fait que les pays l'ont assortie de réserves de fond en plus grand nombre que tout autre traité international. 

La mise en œuvre de ces droits doit commencer avec l'éducation des filles. L'inégalité dans l'accès à l'éducation est l'une des plus importantes restrictions des droits humains des femmes et perpétue leur position de faiblesse, les rendant vulnérables à l'oppression et, en fin de compte, à la violence. Outre qu'elle leur confère les avantages évidents de savoir lire, écrire et compter, l'éducation donne aux jeunes filles la confiance en elles-mêmes voulue pour employer au mieux leurs capacités. Le système éducatif constitue également une tribune pour remettre en question les attitudes concernant la violence - pour les garçons aussi bien que pour les filles. De plus, la présence de filles dans la classe envoie aux garçons un message éloquent sur l'égalité.

L'éducation des filles est la voie assurée vers la réalisation du potentiel économique des femmes. Gagner de l'argent rehausse l'amour-propre d'une femme et relève sa position à la maison et dans sa communauté. Cela peut aussi la faire sortir d'une relation destructrice ou l'encourager à en changer les conditions.

Suivant l'exemple célèbre de la Grameen Bank au Bangladesh, on trouve aujourd'hui dans toutes les régions des projets utilisant des fonds autorenouvelables pour accorder aux femmes des prêts modiques qui leur permettent de créer de petites entreprises. Plus d'une vingtaine de pays ont lancé des programmes de micro-crédits qui lient souvent les prêts à des services sociaux et de santé, aidant les femmes à s'occuper d'elles-mêmes et de leurs enfants. Ces crédits sont employés pour des projets comme l'élevage, l'ouverture de petites boutiques et le paiement des frais de scolarité. Plus de 15 000 Cambodgiennes ont obtenu de petits prêts et le Viet Nam a constaté une augmentation spectaculaire des inscriptions à l'école parmi les filles des emprunteurs.

On s'efforce aussi de mettre fin aux pratiques traditionnelles qui font violence aux femmes et aux petites filles. Des groupes commencent à voir quelque succès couronner leurs efforts pour convaincre les hommes et les femmes que la mutilation sexuelle féminine prélève un tribut trop lourd. Certains religieux se sont élevés publiquement contre cette pratique, et on travaille en Gambie et au Kenya à élaborer un rite de passage à l'âge adulte qui ne comporte aucune excision. Un autre signe d'espoir est la décision récente du Canada et des Etats-Unis d'accorder l'asile politique à des femmes menacées de mutilation sexuelle dans leur pays d'origine - ce qui fait de cette pratique un motif admissible pour demander (et obtenir) le statut de réfugié.

Le pouvoir politique est également crucial pour que les femmes se réalisent. Bien que la présence d'une femme à la tête de l'Etat ne garantisse pas des droits égaux pour son sexe, les femmes occupant des positions d'autorité dans les systèmes politiques ont clairement un effet bénéfique, notamment par l'exemple qu'elles créent. Mais il y a encore beaucoup, beaucoup à faire. Les femmes ont partout le droit de vote sauf dans six pays du Moyen-Orient et au Brunéi Darussalam en Asie du Sud-Est, mais à l'échelle mondiale, elles occupent tout juste 7 % des postes de haut niveau dans les gouvernements.

La montée des femmes dans les cercles du pouvoir menace la structure existante d'autorité; remplacer cette structure exigera l'effort collectif non seulement des femmes, mais aussi des hommes sympathisant avec cette cause. L'Etat et d'autres institutions d'autorité peuvent se révéler des alliés indispensables.

Les années 90 ont été une décennie de réalisations sans précédent pour les droits humains des femmes. Mais ce n'est pas sans lutte que la communauté internationale a été amenée à reconnaître que la violence antiféminine relève des droits de l'homme. Il a fallu que les femmes organisent une campagne mondiale pour faire apparaître toute l'ampleur de la violence et de son impact sur l'exercice de leurs droits. La communauté internationale a été appelée à constater qu'elle avait été incapable de protéger le droit fondamental des femmes à la sécurité de leur personne.

Le moment déterminant de cette campagne - la session du Tribunal mondial sur les violations des droits humains des femmes - s'est situé en 1993 à Vienne, pendant la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, quand les participants ont lancé un appel pour éliminer «la violence à laquelle sont exposées les femmes dans la vie publique et privée» et ont déclaré que «les droits fondamentaux des femmes et des fillettes font inaliénablement, intégralement et indissociablement partie des droits universels de la personne». Pendant toute une journée à Vienne, de nombreux délégués et d'autres participants à la Conférence ont écouté, fascinés, 33 femmes apporter leur témoignage personnel sur les violences qu'elles avaient subies.

A l'échelle de ce qui se produit chaque jour dans toutes les communautés du monde, c'était un raccourci infime, mais emblématique de l'angoisse qui est depuis longtemps le lot des femmes. Un simple coup d'œil sur la salle permettait de constater sans doute aucun que pour les assistants, les faits et les chiffres avaient pris vie, et que le public captivé était profondément changé par l'expérience. Le Tribunal a levé officiellement le voile qui dissimulait ces atrocités depuis plusieurs siècles et donné conscience à beaucoup de femmes et d'hommes qu'il incombe à la communauté internationale de protéger les femmes de ces violences.

Cette même année, dans la ligne de l'impulsion donnée à Vienne, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes, considérée comme un complément officiel de la Convention qui n'abordait pas spécifiquement la question de cette violence quand elle a été rédigée en 1979. La Déclaration a fait date de trois manières: elle a inscrit la violence à l'égard des femmes dans le cadre du dialogue sur les droits de la personne humaine, elle a identifié le fait d'être une femme comme le premier facteur de risque de violence, et elle a élargi la définition de la violence fondée sur le sexe pour y inclure tous les aspects de la vie des femmes et des jeunes filles. Une autre étape importante a été la nomination, en 1994, d'un Rapporteur spécial des Nations Unies sur la violence à l'égard des femmes.

Un effort systématique pour faire connaître le problème de la violence contre les femmes doit associer tous les secteurs dans toutes les sociétés - le système judiciaire, les médias, les éducateurs, les autorités sanitaires, les institutions gouvernementales et non gouvernementales, les politiciens, les chefs religieux, et bien sûr aussi, les particuliers, femmes et hommes. Pour l'essentiel, ce sont les mouvements de femmes avec leurs nombreuses organisations non gouvernementales travaillant à travers les frontières nationales, culturelles, religieuses et sociales qui ont amorcé et accéléré l'effort.

Peu de mouvements sociaux ont obtenu autant de résultats aussi rapidement - et avec des méthodes si remarquablement pacifiques. Pourtant, ces petits groupes déterminés continuent de travailler presque seuls. Combien de fonctionnaires des administrations ont risqué leur carrière pour résoudre le problème de la violence à l'égard des femmes?

Pour elles, il est temps de le faire.

 

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